Telerama
...En confiant sa création contemporaine à Oscar Bianchi, compositeur italo-suisse de 36 ans qui signe son premier ouvrage lyrique, et en lui réservant les honneurs de sa soirée d'ouverture, le festival d'Aix-en-Provence a visé juste, et gagné son pari. Fable elliptique sur la déception de toute existence, l'échec des transmissions familiales, la réalité incertaine de l'art et du spectacle, Thanks to my eyes est tout, sauf une déception ou un échec. Cette réussite tient d'abord à la qualité de la musique, à sa richesse d'invention sonore comme à sa maîtrise de l'écriture vocale, et au juste équilibre instrumentistes-chanteurs. En bon Italien, ancien étudiant du conservatoire Giuseppe-Verdi de Milan, Oscar Bianchi aime les voix, en respecte les tessitures, sans pour autant sacrifier à l'hédonisme vocal ou aux facilités révolues du bel-canto. Des six rôles du livret - l'un est muet (le messager) un autre parlé (la mère) - quatre sont chantés : le père et le fils, et deux jeunes femmes éprises du fils, l'une solaire, l'autre nocturne. Quatre voix, quatre styles bien différenciés, de l'arioso solennel pour le père (baryton-basse), aux envolées mélodiques, parfois suraiguës, pour les deux sopranos. Mais c'est au rôle du fils, confié à un contre-ténor, qu'est réservé le traitement vocal le plus original et le plus approprié : une déclamation tendre et fragile, proche du lied, toujours prête à se résorber dans le silence ou à se fondre dans un trop-plein d'émotion... (7 Juillet 2011)